Depuis l’antiquité et sans interruption, la beauté et l’ingéniosité des pièces qui constituent les structures du vivant fascinent les artistes. L’anatomie, les squelettes, les écorchés, les
études et les rendus des sciences naturelles sont parmi les meilleures productions de l’art.
Comme détachés d’une métope grecque ou d’une travée du premier Fontainebleau, certains bucranes de Dominique Bajard parcourent toute l’histoire des expressions artistiques et lui donnent son
caractère le plus renouvelé et le plus présent.
D’un raku trop sollicité Dominique Bajard tire toute sa force et son expressivité ; parfois marmoréen, parfois vivant et parcouru de veines rouges comme d’un sang frais, parfois le saisissement
livide du cadavre ou la grâce fragile du modelé d’un squelette d’oiseau..
Les effets d’échelle sont joués avec virtuosité où se tassent de lourds mécanismes osseux ou se déploie la délicate articulation d’une aile.
Prises en main, les pièces manifestent leur lente élaboration, le soyeux polissage des surfaces s’organise autour d’un noyau plus brut d’où tout est parti. Une construction en charpente à partir
de plaques souples ou légèrement durcies (les « cuirs ») ces éléments sont triturés, malaxés, combinés et agencés à partir de dessins préparatoires (certains seront exposés) La terre, rouge
ou brun foncé, est recouverte d’un engobe sigillé blanc ou coloré et sèche très lentement ; la cuisson obéit enfin aux règles immémoriales du raku.
Une présentation des travaux récents de D.B. est une promenade qui mène du muséum aux planches de Dürer ou Gautier d’Agoty, elle parcourt comme les ruines ou les vestiges d’une arche de Noé, elle
invite au simple plaisir des courbes et des combinaisons de formes, des matières mystérieuses qui constituent notre monde, elle éveille la curiosité et sollicite l’imagination dans la
configuration classique du « cabinet de curiosité ». Son travail est un chant à la création, minutieux, sérieux et inspiré, avec toujours le très juste déplacement du regard, conséquence et
actualisation des conquêtes de l’art contemporain.
Pierre Soula