L’animal me relie à la terre, un ancrage au vivant indéfinissable. Je représente des vivants, incarnés par leur force, leur mouvement et leur masse. Entrer dans le jeu de l’observation patiente et minutieuse, du pistage, c’est accepter de se fondre en eux, et qu’ils fondent en nous une animalité nouvelle, ou retrouvée. Cesser de chercher à interpréter les moindres gestes, mais plutôt ressentir, s’abandonner au sauvage. Saisir ce quelque chose d’énigmatique qui fait que plus on s’en approche, plus on s’en éloigne à la fois. Cette tension, entre observation, sauvage et saisissement du mouvement de vie, est au cœur de mon modelage. Avec des gestes instinctifs, comme un croquis, je cherche à saisir l’élan vital de l’animal. L’enjeu majeur pour moi est de proposer une rencontre, une porosité avec ces vivants, en capturant le frisson de ce face-à-face silencieux.
Je représente des animaux d’avant domestication : l’ours, l’auroch, le sanglier... Ces grands mammifères, fascinants, menaçants et originels, dégagent une force que l’humain a toujours à la fois craint et vénéré. Je cherche à saisir cette puissance de vie dans mon modelage. En groupe pour exprimer le sauvage ou seuls et plus anthropomorphes, mes animaux sont des vivants farouches qui puisent leur force dans leur élan de vie. J’utilise différents grès que souvent je mélange, avec parfois des ajouts de matières, puis je sculpte dans la masse. Oxyde de fer, engobes et terres de récoltes pour habiller mes pièces, j’aime les teintes sombres et rougeoyantes de la réduction du four à gaz (entre 1250° et 1280°). Je cuis parfois dans des fours à bois (anagama et trainkiln) en Dordogne : de longues cuissons où le collectif et le feu se mêlent pour faire vibrer nos pièces.
@betty.vergnaud